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★★★★☆ Sérénade


Jean Boyer / 1939 / France

Avec : Lilian Harvey (Margaret Brenton), Louis Jouvet (le baron Hartmann), Bernard Lancret (Franz Schubert), Roger Bourdin (Vogel), Marcel Vallée (Hostinger, l’éditeur), Félix Oudart (le directeur), Alexandre Rignault (le gendarme), Auguste Bovério (Ludvig Van Beethoven), Madeleine Suffel (Anny), Claire Gérard (la propriétaire), Marthe Mellot (la vendeuse), Pierre Magnier (Metternich), Robert Arnoux (Chavert), Marcel Lupovici (un ami de Schubert), Georges Bever (le commis) Jacques Butin (le secrétaire), Edmond Castel (l'aubergiste), Henry Richard (le diplomate) Philippe Richard (le prieur), René Stern (un monsieur élégant), Marc Dantzer, Boris Kniazeff, Georges Serrano, André Volnay, la Manécanteie des petits Chanteurs à la Croix de Bois.


À l’orée du Parlant, Jean Boyer avait déjà magnifié, entre humour et tendresse, brio et élégance visuelle, le Vienne qui chante et danse du Congrès s’amuse (1931), coréalisé par l’Allemand Erik Charrell. Huit ans plus tard, et à la veille de l’entrée en guerre, il remet le couvert, seul aux commandes cette fois, et le résultat relèverait de l’enchantement constant, ne serait la non-performance de Bernard Lancret, pénible, laborieux et absolument dépourvu de grâce, dans le rôle de Schubert. Pas pire que le Tino Rossi de La Belle Meunière (Marcel Pagnol & Max de Rieux, 1948), le fessier bien moins lourd au demeurant (en même temps, ce n’est pas un exploit en soi), mais pas meilleur non plus : il y a, décidément, des rôles qui n’ont vraiment pas de chance avec leurs interprètes successifs ! À ce (gros) détail près, la magie opère en plein, qui doit évidemment beaucoup aux décors (et aux costumes ?) de Wakhéwitch, peut-être plus encore à la mise de la mise en images, alerte et jamais empesée, tant Boyer semble ici baigner dans son élément naturel. Interprétation au-delà de tout éloge, à un Bernard Lancret près. Jouvet, lui pas du tout dans son univers habituel, joue les pièces rapportées (ou pas) avec ce qu’il faut de classe et de probité. Renonçant l’espace d’un rôle au jeu sec et au ton cassant (ou l’inverse ?) qui firent sa gloire, il confirme dans le même temps que – une fois n’étant pas coutume ? – la mesure et l’humilité lui réussissent plutôt bien. Face à lui, Lilian Harvey exécute sans en avoir l’air un numéro de très haute tenue, dans un registre aux antipodes de ses compositions passées. Photographiée de manière très inégale (dans certains gros plans, elle a l’air d’avoir cinquante ans, là où elle n’en accuse que trente-trois à la ville), mais dirigée à la perfection du début à la fin, elle entre dans le film en mode poupée mécanique blonde, charmeuse et irrésistible, avant de glisser lentement, par touches successives, vers les grandes héroïnes ophulsiennes passées (Magda Schneider, Isa Miranda) ou futures (Danielle Darrieux). Comme c’était souvent le cas à l’époque, Boyer a composé son affiche un peu à la manière d’un menu quatre étoiles, et soigné avec la même attention bienveillante seconds rôles efficients (Oudart, Vallée, Arnoux) et troisièmes couteaux diligents (Bever, Rignault, Claire Gérard, Marthe Mellot ou Madeleine Suffel), allant jusqu’à rappeler le vétéran Pierre Magnier pour reprendre quasiment à l’identique, huit ans après Le Congrès s’amuse, le rôle du chancelier Metternich.


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, novembre 2018. Toute reproduction même partielle interdite, sauf autorisation écrite des auteur et éditeur.

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