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★★★★☆ Johan – Mon été 75


Philippe Vallois / 1975 / France

Avec : Patrice Pascal, Marie-Christine Weill, Laurent Laclos, Philippe Dupeux, George Barber, Jean-Lou Duc, Jean-Paul Doux [= Karl Forest], Ivan Roberto, Pierre Commoy, Manolo Gonzales, Alexandre Grecq, Thierry Lauret, Jacques Léon, Walter Manley, Jean-Claude Vincent, Nicole Rondy, Éric Guadagnan [= Éric Guadagnin] René-Marc Chaffardon, Gaston d’Angelis, Gilbert Tilloy, Paul-Olivier Hantzberg, Krir Houcine, Yves Lediberdère, Pierre Béhar, Marie Béhar, Claude-Philippe Monnier, Anne Roumeguere, Stuart Gibbons, Béatrice Rouland, Michel Vadot, Philippe Vallois, Thierry Sabatier.


Philippe, jeune cinéaste gay, cherche à travers tout Paris le jeune homme idéal qui pourra interpréter le premier rôle masculin de son prochain film, portrait circonstancié de son amant « beau, superficiel, narcissique, mythomane et tatoué sur le front », Johan, qui purge actuellement une peine de prison pour divers délits, incluant un trafic très au point de chèques volés. Ponctuées de scènes de drague et de scènes de cul, entrecoupées de vraies fausses interviews de la patronne de l’hôtel où vivait le fameux Johan ou de la propre mère du réalisateur, imbriquées avec de longs flash-backs consacrés aux emplois passés de l’amant détenu comme à l’évocation d’un voyage que le cinéaste fit à New York et de sa liaison, sur place, avec un réfugié politique cubain victime de la politique homophobe menée par Fidel Castro, toutes les combinaisons possibles et imaginables sont méthodiquement explorées, face caméra, par Philippe, son amie Christine et l’équipe technique (réduite). Alors que le cinéaste croit toucher – enfin – toucher au but, l’un des deux acteurs engagés pour tenir son rôle en alternance prend la clef des champs avec le dernier comédien en date retenu pour figurer Johan : le coup de foudre entre eux a été fulgurant, et, la chose est connue depuis longtemps, les amoureux sont seuls au monde. En définitive, Thierry, le cadreur du film en cours de tournage, trouve la seule solution réellement satisfaisante, qui suggère que ce soit le cinéaste lui-même qui endosse le rôle de Johan. Pour autant, peut-on raisonnablement tenir à l’écran le rôle de l’objet de son désir, a fortiori lorsque l’objet en question laisse au « sujet » un souvenir à ce point obsédant ? Philippe, après avoir longuement hésité, semble vouloir se laisser convaincre. Un beau matin, réalisateur, assistant, techniciens, amis et interprètes des séquences passées débarquent à moto devant une prison parisienne, afin d’y filmer la libération tant attendue du beau et mystérieux Johan, accueilli en grandes pompes par une Maria Callas évaporée et moustachue descendue d’un taxi.


Au cours du printemps 1975, le réalisateur Philippe Vallois entame la préparation de son second long métrage, dont son compagnon du moment, Johan tiendra le rôle-titre. Lorsque ledit Johan est appréhendé dans un petit hôtel de quartier pour trafic de chèques volés, le réalisateur, qui dispose déjà la pellicule nécessaire, se laisse persuader par son entourage de tourner son film différemment, qui devient dès lors le portrait en creux d’un absent : on n’y verra jamais le véritable protagoniste, mais deux comédiens (Jean-Lou Duc et Ivan Roberto) successivement chargés d’endosser son rôle. Démarré au mois d’août 1975, Johan est monté par Philippe Vallois au cours de l’automne. Dans l’intervalle, le réalisateur a dû gérer de front une hépatite virale et la mise en liberté de son compagnon (qui le quitte), se désintéresse totalement du film et part ouvrir une boîte cuir financée on ne sait pas très bien comment. Au printemps suivant, Johan n’en fait moins partie de la sélection « Perspectives du cinéma français » au Festival de Cannes 1976, où Philippe Vallois le présente, en compagnie de son actrice fétiche du moment Marie-Christine Weill (rescapée de thrillers sexys tournés par Max Pécas dix ans auparavant) et de son assistant Laurent Laclos. Le film fait forte impression et trouve d’ardents défenseurs parmi les critiques en vue (Jean-Louis Bory en tête), mais sa sortie dans le circuit commercial est rapidement compromise par la présence de scènes hard, dont une séquence de fist fucking entre les deux comédiens américains George Barber et Walter Manley, et de ce que la censure du moment perçoit comme une apologie de la drogue (cannabis, poppers…). D’abord menacé de classement X et d’interdiction totale, Johan est finalement autorisé aux plus de 18 ans et se voit distribué dans trois salles parisiennes (le Bilboquet, l’Hollywood Boulevard et l’Olympic), après que son réalisateur a accepté le retrait de la scène de fist incriminée et la destruction du négatif correspondant à ce passage. En 2006, quelques semaines avant la sortie de sa réédition en DVD, Philippe Vallois reçoit un appel téléphonique émanant des Archives du Film (selon le principal intéressé) ou de la direction du Festival de Cannes (selon Hervé Joseph Lebrun) l’informant qu’une bobine de pellicule « étiquetée » Johan vient d’être retrouvée. Le réalisateur, ayant découvert qu’elle correspond à la fameuse séquence de fist coupée (et officiellement détruite) trente ans auparavant, repoussera de plusieurs semaines la sortie DVD envisagée de manière à pouvoir l’inclure in extremis dans le bonus consacré aux secrets de tournage du film. Si l’on s’en rapporte à son témoignage, d’autres séquences supprimées figureraient également dans la bobine miraculeusement retrouvée. Y figure(nt) peut-être le ou les passages interprété(s) par le comédien Alexandre Grecq, qui n’apparaît dans la seule version aujourd’hui visible DVD que parmi les participants du « bouquet final » devant la prison, mais que le générique fourni par les catalogues du CNC 1975 créditent en bonne et due forme du rôle d’« Yvan Schneider ».

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