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★★★☆☆ La 1000ème Fenêtre


Robert Menegoz / 1959 / France

Avec : Pierre Fresnay (Armand Vallin), Jean-Louis Trintignant (Georges Desvignes), Michel de Ré (M. Tourtet), Jean-Paul Roussillon (M. Boutain), Gérard Darrieu (André Billois), Barbara Kwiatkowska [= Barbara Lass] (Ania), Julien Carette (le grand-père Billois), Brigitte Barbier (Mme Boutain), Hubert Deschamps (Dumas, le promoteur immobilier), Françoise Fleury (Annie Lebrun), Maurice Coussonneau (M. Blot), Françoise Hornez (Mme Blot), France Asselin (Mme Billois), Robert Lefort [= Robert Le Fort] (M. Palette), Micheline Gary (Mme Tourtet), Gérard Hernandez (Pablo), Marc Arian, Lucien Barjon, Guy Bedos (?), Robert Deslandes, André Dino, Pierre Duncan, Marius Gaidon, Louis Lalanne, Lucienne Marchand, Antoine Marin, Virginie Merlin, Jean-Paul Moulinot...


Armand Vallin, officier de Marine en retraite et humaniste à temps complet, refuse de quitter son pavillon de banlieue parisienne, dont il est sur le point de se voir exproprier. C’est qu’à ses yeux, la personne doit primer sur le collectif en toutes circonstances, surtout lorsque le collectif a l’apparence d’un groupe de 3.500 locataires ayant récemment emménagé dans un building colossal façon clapier à lapins construit autour de sa maison et plus impatients les uns que les autres de le voir déguerpir. Unanimement perçu comme l’homme à abattre, dont l’obstination freine la construction d’un centre social et d’un espace vert, Vallin entame un bras de fer musclé avec ses voisins, qui pétitionnent à tour de bras contre lui, comme avec les autorités municipales, qui lui dépêchent deux inspecteurs de l’Hygiène et invoquent, non sans raison, une occupation insuffisante des lieux. Prompt à réagir dans les deux cas, le vieux marin fait retaper les murs branlants de son pavillon par une armée d’ouvriers immigrés acquis à sa cause, et offre l’hospitalité à une jeune étudiante polonaise, Ania, afin d’éviter de se voir imposer la présence sous son toit d’une famille nombreuse. Alors qu’un sentiment très doux naît entre la nouvelle venue et Desvignes, l’architecte ayant procédé à la construction du grand ensemble, Vallin finit par découvrir qu’il est protégé à son insu, depuis le déclenchement des hostilités, par la haute direction de la société immobilière, elle-même en manque d’argent frais pour poursuivre et achever les travaux... L’information dûment confirmée et aussitôt transmise par le principal intéressé à ses voisins et ennemis, Vallin finit par se voir signifier un arrêté d’expulsion, que, contre toute attente, il accepte de bonne grâce, peut-être pas mécontent, au fond, de pouvoir aller refaire sa vie ailleurs. Après avoir pris congé d’Ania et de Desvignes, que les circonstances ont rapproché et qui filent désormais le parfait amour, l’ex-officier de Marine part s’installer sous des cieux plus cléments, à peine surpris d’y voir débarquer, sitôt son installation achevée, de nouveaux promoteurs immobiliers encore plus déterminés que les précédents.


Très jolie – et très louable – idée de départ mise à mal par une réalisation purement fonctionnelle, oscillant sans prendre parti entre qualité française agonisante et ersatz de Nouvelle Vague , des dialogues en parpaing commis par un Jacques Lanzmann qu’on aura connu plus inspiré, un découpage à peu près inexistant et une direction mollassonne : pas du Jean-Paul Le Chanois, mais cela y ressemble furieusement. Après avoir pris la précaution liminaire d'informer le spectateur par un carton en fin de générique que La 1000ème Fenêtre n’est pas autre chose qu’une satire (ça commence bien !), Menegoz et ses coscénaristes se bornent à enfoncer une heure et demie de film durant des portes grandes ouvertes, et ne reculent devant aucun stéréotype : les promoteurs cyniques et corrompus, les habitants-moutons prêts à se transformer en autant de loups, l’architecte idéaliste (Trintignant « première période », naviguant entre jeu plus compassé que de raison et électro-encéphalogramme désespérément plat)… L’ensemble, sympathique à ces (grosses) réserves près, ne tient à peu près la route que grâce à la prestation irréprochable de Fresnay (humour en demi-teinte et dignité constante), trouvant ici l’un de ses meilleurs rôles des années 1950, à égalité avec le protagoniste de La Route Napoléon (Jean Delannoy, 1953) et à la vis comica de l’ineffable Carette, pour le moins aussi épatant que chez Renoir ou Autant-Lara, auxquelles viennent encore s’ajouter le charme discret mais efficace de la future Barbara Lass, talent, sensibilité et cinégénie déjà en place, et la grande sûreté de jeu de Françoise Fleury, distribuée dans le seul personnage du film parvenant à échapper au systématisme ambiant. Face à l’accueil tiédasse réservé par la critique et par le public à son premier long-métrage de fiction, Robert Menegoz, qui avait tourné un documentaire sur la Grande Muraille de Chine quelques années auparavant, ne repassera derrière la caméra que deux décennies plus tard, le temps de signer Drôles de diam’s (1978), comédie Seventies désolante flinguée d’attaque par ses principaux interprètes, Roger Mir(e)mont (enfer !) et Patrick Chesnais (damnation !). Ni fleurs, ni couronne : les idées ne font pas davantage les chefs-d’œuvre que les bonnes intentions ne font les bons films.


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, novembre 2018. Toute reproduction même partielle interdite, sauf autorisation expresse écrite des auteur et éditeur.


Photo : Julien Carette, Gaumont, D.R.

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