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★★★★★ J'étais une aventurière


Raymond Bernard / 1938 / France

Avec : Edwige Feuillère (la comtesse Véra Vronskaïa/Vronsky), Jean Murat (Pierre Glorin), Jean Max (Désormeaux), Jean Tissier (Paulo), Marguerite Moreno (Tante Émilie), Guillaume de Sax (le marquis de Koréani), Félix Oudart (Rutherford, le bijoutier), Milly Mathis (la fermière), André Numès Fils (le cousin Édouard), Christian Argentin (« Van Kongen »), Louis Vonelly (Sir John), Mona Goya (la remplaçante de Véra), Marguerite de Morlaye (une cliente du palace), Génia Vaury (la dîneuse au chien), Michel François (le fils de la fermière), Robert Rollis (un groom), Félix Claude (un groom), Gaby Andreu [= Gaby André] (la vendeuse de jouets), Max Dejean (un faux inspecteur), Paul Marcel (un invité), Marcel Duhamel (?), Robert Ralphy.


Scénario virevoltant, mis en images avec une dextérité et une folie rappelant, par endroits, le meilleur de la comédie vue et entendue par Lubitsch. Tout concourt, du début à la fin, à ce qui relève bien de la réussite absolue : la trame imaginée par Companeez et développée par Herbert Juttke, les dialogues, plus étincelants qu’à l’accoutumée, signés par un Michel Duran en forme olympique, la partition musicale, légère et délicate, de Paul Misraki, les éclairages subtils de Michel Kelber, et peut-être, plus encore, le savoir-faire incomparable de Raymond Bernard, à la fois maître d’œuvre et chef de troupe. Feuillère, divinement vêtue, remarquablement chapeautée, sublimement photographiée, par ailleurs bien plus à son aise dans la comédie sentimentale « contemporaine » que dans le drame historique, y décroche, haut la main, un de ses meilleurs rôles d’avant-guerre, loin devant ceux de Lucrèce Borgia ou de Marthe Richard, pourtant mieux qu'admirablement défendus, l'un comme l'autre. Jean Murat a sous le pied suffisamment de solidité, d’intégrité et d’arrière-plans pour faire oublier son absence de charisme, sa bouche de mouette rieuse et son regard éteint de cocker sous antidépresseurs. Jean-Max et Tissier, aux antipodes l’un de l’autre, composent sur la longueur un binôme aussi probant qu’antinomique, à des années-lumières de celui - bien moins réussi - que formeront Maurice Teynac et Jacques Morel tout au long de l’autoremake un rien délavé que Bernard tirera deux décennies plus tard de ce fleuron de la comédie d’avant-guerre. Reste de la distribution à l’avenant, mêlant Moreno (souveraine, mais où et quand ne l’a-t-elle pas été ?) et Milly Mathis (vitupérante et débonnaire) ; Numès Fils, capable de s'approprier les pires idiots congénitaux sans jamais verser dans la caricature, et Félix Oudart, prodigieux de bonhomie intéressée et de mauvaise bonne foi pleinement assumée ; Mona Goya, à qui trois minutes de présence à l’écran suffisent pour poser son personnage d’entôleuse de substitution, et Guillaume de Sax, pareillement apte à faire vivre l’espace d’une scène unique les séducteurs à la ramasse heureux de pouvoir encore faire la roue. Réussite totale, où le crépitement ne le cède qu’à la délicatesse, et que l’anecdotique version de 1956 n’égalera, si l’on peut dire, que par inadvertance.


© Armel De Lorme / L’@ide-Mémoire, 2018. Toute reproduction, même partielle, interdite sauf accord écrit des auteur et éditeur.


Photo : Edwige Feuillère et Christian Argentin, Gaumont, D.R.

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